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ETF : la nouvelle norme de l’investissement, entre efficacité et vigilance

14 octobre 2025 par
ETF : la nouvelle norme de l’investissement, entre efficacité et vigilance
caissecooperativedaquitaine

Les ETF (Exchange Traded Funds), ou fonds indiciels cotés, se sont imposés comme l’un des plus grands bouleversements des marchés financiers modernes. En moins de deux décennies, ils ont attiré des milliers de milliards de dollars à travers le monde. Leur promesse ? Offrir à tous les investisseurs un accès simple, peu coûteux et performant aux grands marchés boursiers.

Mais ce succès, aussi spectaculaire soit-il, suscite désormais un débat : la gestion passive, moteur des ETF, ne risque-t-elle pas de déséquilibrer les marchés qu’elle prétend simplement suivre ?


Qu’est-ce qu’un ETF ?


Un ETF est un fonds qui cherche à reproduire la performance d’un indice — le CAC 40, le S&P 500, le MSCI World, etc. En achetant une seule part, l’investisseur s’expose ainsi à des dizaines, voire des centaines d’entreprises.

Les ETF se négocient en bourse comme des actions, et leur prix évolue en temps réel. Leur succès repose sur quatre atouts clés :

  • Des frais de gestion très faibles : souvent entre 0,05 % et 0,3 % par an, contre 1 à 2 % pour de nombreux fonds actifs.
  • Une transparence totale : la composition de l’ETF est connue et régulièrement publiée.
  • Une liquidité élevée : les ETF peuvent être achetés ou vendus à tout moment.
  • Une diversification immédiate : en une seule transaction, l’investisseur accède à un panier d’actifs représentatif d’un marché entier.


Pourquoi les ETF séduisent-ils autant ?


1. Les frais font la différence

La première raison du succès est économique.

La plupart des fonds actifs prélèvent des frais élevés, censés rémunérer la recherche et la sélection de titres. Mais ces coûts grèvent les rendements à long terme. À l’inverse, les ETF, en suivant simplement un indice, réduisent les dépenses et la rotation du portefeuille.

Prenons un exemple : un investisseur qui place 10 000 € dans un ETF mondial à 0,2 % de frais annuels obtiendra, après 20 ans à 6 % de rendement brut, un capital d’environ 31 000 €. Avec un fonds actif à 1,5 % de frais, il n’aurait que 24 000 €. La différence — plus de 7 000 € — tient uniquement aux coûts.


2. Battre le marché, un pari souvent perdu

Selon le rapport SPIVA (S&P Dow Jones Indices), plus de 80 % des fonds actifs sous-performent leur indice de référence sur 10 ans.

En d’autres termes, rares sont les gérants qui battent durablement le marché après déduction des frais.

Les ETF, eux, se contentent de coller à la performance de l’indice. Ce réalisme, combiné à la baisse des coûts, explique leur surperformance relative sur la durée.


3. Accessibilité et démocratisation

Autre facteur clé : l’accessibilité.

En quelques clics, un particulier peut investir dans un ETF mondial, un secteur spécifique (technologie, énergie, santé), ou même un panier d’obligations internationales. Ce qui était autrefois réservé aux investisseurs institutionnels est désormais à portée de tous.


Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

En Europe, les encours sous gestion passive ont été multipliés par cinq en dix ans. L’Invesco S&P 500 UCITS ETF, par exemple, a progressé d’environ 9 % sur un an, contre une moyenne inférieure pour les fonds actifs équivalents selon Morningstar.

Le Vanguard FTSE All-World ETF, un produit mondialement diversifié, a surclassé plusieurs fonds actifs de grandes banques européennes sur les cinq dernières années, essentiellement grâce à ses faibles frais et à sa réplication fidèle de l’indice.

À l’inverse, lors de périodes de forte volatilité comme en 2022 certains fonds actifs ont mieux résisté, en réduisant leur exposition à la technologie ou en se repositionnant sur des secteurs défensifs. Mais ces cas restent minoritaires sur le long terme.


Les risques : l’envers de la médaille

Les ETF ne sont pas exempts de risques. Leur simplicité apparente masque parfois des mécanismes complexes et des effets de marché encore mal compris.


1. La concentration du capital

C’est l’un des dangers les plus souvent évoqués.

Les flux massifs vers les ETF entraînent des achats automatiques sur les mêmes valeurs, celles qui pèsent le plus dans les indices.

Ainsi, Apple, Microsoft, Amazon ou Nvidia captent une part disproportionnée des nouveaux investissements.

Résultat : une spirale auto-entretenue où les grandes capitalisations deviennent encore plus dominantes, parfois indépendamment de leur valorisation réelle.

Certains analystes redoutent une “surévaluation passive”, où les prix ne reflètent plus uniquement la valeur économique, mais aussi la mécanique d’achat automatique des ETF.


2. Corrélation accrue entre actifs

L’essor de la gestion passive augmente la corrélation entre les marchés.

Quand les investisseurs retirent massivement leurs fonds, les ETF vendent les mêmes actifs en même temps, amplifiant les baisses.

Cette homogénéisation rend plus difficile la diversification réelle d’un portefeuille, surtout en période de crise.


3. Risque de liquidité

Tous les ETF ne sont pas égaux face à la liquidité.

Les produits très populaires, comme ceux sur le S&P 500, se négocient facilement.

Mais d’autres, plus spécialisés (marchés émergents, obligations d’entreprises, thématiques de niche), peuvent devenir difficiles à vendre lors de tensions de marché.

En mars 2020, au plus fort de la crise du Covid, certains ETF obligataires ont brièvement divergé de la valeur réelle de leurs actifs, illustrant ce risque de décalage.


4. Réplication et contrepartie

Les ETF dits “physiques” détiennent réellement les titres de l’indice.

D’autres, dits “synthétiques”, utilisent des produits dérivés (swaps) pour reproduire la performance. Cela peut créer un risque de contrepartie, c’est-à-dire une dépendance à la solidité financière de l’institution partenaire.

Les grands acteurs du secteur Amundi, Lyxor, iShares ont renforcé la transparence sur ce point, mais la distinction reste importante à connaître pour les investisseurs.


Le regard d’un professionnel


Jean-Marc Dreu, associé senior à la Caisse Coopérative d'Aquitaine, observe ce phénomène au quotidien :

« Les ETF ont profondément changé la manière d’investir. Leur efficacité est indéniable : des frais bas, une transparence totale, et une performance souvent supérieure sur le long terme. Cela pousse toute la profession à s’améliorer. »

Mais il nuance :

« Les flux massifs vers les mêmes indices créent des concentrations inédites. Certains titres pèsent désormais 6, 7, voire 8 % de grands indices mondiaux. Si un de ces géants trébuche, c’est tout l’édifice qui vacille. Les ETF amplifient ces effets, car ils ne sélectionnent pas, ils répliquent. »

Pour lui, la clé est dans la complémentarité :

« Un portefeuille bien construit peut combiner des ETF pour la base l’exposition large et bon marché et des stratégies actives ciblées pour la flexibilité et la gestion des risques. L’un n’exclut pas l’autre. »


Comment investir intelligemment avec des ETF

Les ETF restent des outils puissants, à condition de les utiliser avec méthode.

Voici quelques bonnes pratiques simples mais essentielles :

  1. Diversifier entre classes d’actifs : ne pas se limiter aux actions, intégrer aussi des ETF obligataires ou sectoriels.
  2. Privilégier les ETF liquides et bien établis : ils offrent plus de sécurité en période de stress.
  3. Vérifier la méthode de réplication : physique de préférence, ou synthétique mais bien collatéralisée (garanties).
  4. Surveiller les frais et les écarts de cotation (spread) : de petits pourcentages font de grandes différences à long terme.
  5. Connaître l’indice suivi : un ETF n’est jamais “neutre”. Le poids des secteurs technologiques, financiers ou énergétiques varie fortement d’un indice à l’autre.
  6. Adopter une vision long terme : les ETF sont faits pour accompagner les cycles, pas pour spéculer au jour le jour.


Un équilibre à trouver

Les ETF ont démocratisé l’investissement et abaissé les barrières d’entrée sur les marchés financiers.

Ils représentent aujourd’hui plus de 50 % de la gestion d’actifs aux États-Unis, et leur part continue de croître en Europe.

Cette mutation a rendu la finance plus accessible, plus efficace… mais aussi plus uniforme.

La question n’est plus de savoir si les ETF vont dominer le paysage, mais comment éviter qu’ils ne le déforment.

Car un marché où tout le monde achète la même chose, pour les mêmes raisons, perd une partie de sa capacité à évaluer justement les entreprises.

Les ETF ont apporté une révolution bienvenue : celle du coût, de la transparence et de la simplicité.

Mais comme toute innovation financière, ils exigent discernement.

Leur puissance est indéniable à condition de ne pas oublier qu’ils ne remplacent pas la réflexion.

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