Une moitié des foyers fiscaux seulement
Chaque printemps, la question revient avec la campagne de déclaration : combien de Français paient encore l’impôt sur le revenu ? Les chiffres de la Direction générale des finances publiques (DGFiP) sont clairs : sur 41 millions de foyers fiscaux en 2024, seuls 19 millions se sont effectivement acquittés d’un impôt net positif. Autrement dit, moins d’un sur deux contribue à ce prélèvement direct. Les autres sont exonérés, soit par le jeu du barème progressif, soit grâce à des réductions et crédits d’impôt.
Mais réduire la question du financement de l’État et du modèle social à ce seul impôt serait trompeur. L’impôt sur le revenu ne représente qu’environ 92 milliards d’euros de recettes annuelles, quand la France prélève plus de 1 100 milliards de recettes publiques au total. Le gros du financement repose ailleurs : la TVA, l’impôt sur les sociétés et, surtout, les cotisations sociales.
Les salariés, colonne vertébrale du financement social
Selon l’Insee, la France comptait 30,4 millions de personnes en emploi fin 2024, dont près de 27 millions de salariés. Chaque fiche de paie en est le reflet : charges sociales, CSG, CRDS… autant de contributions qui alimentent retraites, assurance maladie, allocations familiales.
Ces prélèvements, souvent invisibles pour le grand public, constituent pourtant la première ressource du système social français. À elles seules, les cotisations sociales (salariales et patronales) représentent plus de la moitié du financement de la protection sociale. Autrement dit, le système repose d’abord sur les actifs occupés et sur les entreprises qui les emploient.
Les indépendants et entrepreneurs : contributeurs discrets mais lourds
Au-delà du salariat, le paysage économique français compte environ 4,6 millions de travailleurs indépendants, selon l’Urssaf. Micro-entrepreneurs, professions libérales, artisans, dirigeants de petites entreprises : tous alimentent eux aussi le pot commun par leurs cotisations spécifiques. Pour beaucoup, la charge est vécue comme lourde, surtout dans les premières années d’activité.
À une autre échelle, les grandes entreprises et groupes cotés représentent un pilier fiscal : impôt sur les sociétés, taxes locales, contribution à la formation, participation aux budgets sociaux via la masse salariale. Ces acteurs supportent une part disproportionnée des recettes fiscales. La concentration est telle que, selon les données fiscales, une poignée de grands groupes contribue pour plusieurs milliards d’euros chaque année, tandis que des centaines de milliers de TPE peinent à dégager du résultat imposable.
Une fiscalité concentrée
La mécanique est connue : une minorité finance la majorité. Dans l’impôt sur le revenu, par exemple, le dernier décile des foyers imposables supporte à lui seul près de 70 % du produit. Du côté des entreprises, les grands groupes paient la plus grosse partie de l’impôt sur les sociétés, même si certains optimisent habilement leur charge grâce aux règles internationales.
La France figure ainsi parmi les pays de l’OCDE où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés, représentant autour de 44 % du PIB. Ce niveau reflète un choix de société : financer un État-providence étendu. Mais il traduit aussi une dépendance à l’égard d’une base relativement étroite de contribuables effectifs.
Ceux qui paient… et ceux qui savent éviter
C’est un secret de Polichinelle dans les milieux économiques : il existe en France une industrie florissante du conseil fiscal. Cabinets d’avocats spécialisés, experts-comptables, conseillers en gestion de patrimoine : tous proposent des solutions légales pour réduire la facture.
L’éventail est large. Optimisation via l’assurance-vie, investissement locatif défiscalisant, structuration en société holding, démembrement de propriété, épargne retraite : les outils sont nombreux et souvent inscrits dans la loi elle-même. Résultat : ceux qui disposent des ressources pour se payer du conseil et investir intelligemment paient rarement le plein tarif.
Les contribuables les plus exposés sont paradoxalement ceux qui n’ont ni la possibilité d’optimiser, ni l’envie de se lancer dans les subtilités fiscales. Salariés imposables de la classe moyenne, entrepreneurs solos sans conseil dédié : ils supportent une partie disproportionnée de la charge.
L’art de transformer l’impôt en patrimoine
Certains vont plus loin : l’impôt, loin d’être une ponction sèche, peut devenir un levier de construction patrimoniale. Les dispositifs de défiscalisation immobilière, par exemple, permettent de réduire ses impôts tout en se constituant un bien transmissible. De même, l’assurance-vie ou les plans d’épargne retraite permettent d’alléger la pression fiscale immédiate, tout en préparant une transmission de capital.
Cette logique transforme la contrainte fiscale en outil de gestion. Elle illustre une vérité rarement avouée : en France, l’impôt pèse surtout sur ceux qui le subissent sans stratégie, moins sur ceux qui savent s’en servir.
Préparer l’avenir dans un climat incertain
Reste une évidence : au-delà des stratégies individuelles, le système ne tient que parce qu’une majorité accepte encore de contribuer, directement ou indirectement. Car si les outils d’optimisation existent, tout le monde n’y a pas recours.
Dans un contexte d’incertitudes économiques, de tensions budgétaires et de vieillissement de la population, la question n’est pas seulement « qui paie encore des impôts ? », mais aussi « comment protéger ses proches et transmettre quelque chose demain ? ».
Là encore, des solutions existent, parfaitement légales : donation de son vivant, assurance-vie, transmission via démembrement, investissement dans l’économie réelle… Autant de moyens d’alléger la charge fiscale tout en préparant un avenir plus sûr pour ses proches.