Un système pensé sur la solidarité intergénérationnelle
La France a fait le choix, depuis 1945, d’un système de retraite par répartition. Son principe est simple : les cotisations des actifs d’aujourd’hui financent directement les pensions des retraités. Contrairement à la retraite par capitalisation, il n’y a pas d’accumulation individuelle, mais un transfert permanent entre générations.
Ce modèle repose sur un équilibre démographique : il faut suffisamment d’actifs pour financer les pensions de ceux qui ne travaillent plus. Longtemps, ce rapport a été favorable. Dans les années 1960, on comptait près de quatre actifs pour un retraité. Aujourd’hui, ce ratio est tombé à environ 1,7 actif pour un retraité, et devrait continuer à se dégrader dans les décennies à venir.
Le retard français en matière de politique nataliste
La baisse de la natalité est au cœur du problème. Si la France a longtemps affiché l’un des taux de fécondité les plus élevés d’Europe, la tendance s’inverse depuis plus de dix ans. Avec un taux inférieur à 1,8 enfant par femme en 2023, le pays n’assure plus le renouvellement des générations (qui nécessiterait environ 2,1 enfants par femme).
Or, les politiques de soutien à la natalité – allocations, garde d’enfants, accompagnement à la parentalité – ont été mises en place de façon tardive et parfois incomplète. Résultat : le “creux” démographique actuel était prévisible, mais les réponses publiques n’ont pas suffi à inverser la courbe.
Un démographe résume ainsi :
« Les enfants qui ne sont pas nés dans les années 2000 et 2010 manquent aujourd’hui à l’appel dans la population active. C’est ce déficit qui pèsera sur les retraites de 2040 à 2055. »
Une pression inévitable sur le niveau de vie des retraités
Conséquence directe : à ressources constantes, moins d’actifs financeront davantage de retraités. Cela signifie soit des cotisations plus lourdes pour les salariés, soit des pensions moins généreuses pour les retraités.
Les projections de plusieurs organismes (Conseil d’orientation des retraites, Insee) convergent : dans les trente prochaines années, le niveau de vie moyen des retraités devrait décrocher progressivement par rapport à celui des actifs. Si aujourd’hui, le revenu médian des retraités représente environ 100 % de celui des actifs, ce ratio pourrait tomber autour de 85 % d’ici 2050.
Au quotidien, cela se traduira par une érosion du pouvoir d’achat : retraites moins indexées, dépenses contraintes plus lourdes (logement, santé), et une dépendance accrue aux solidarités familiales ou locales.
Un horizon démographique à très long terme
La difficulté est temporelle : même si la France décidait aujourd’hui d’une politique nataliste ambitieuse, ses effets réels sur l’équilibre du système ne se verraient qu’à partir de 2045 ou 2050, quand les enfants nés aujourd’hui arriveront sur le marché du travail.
Entre-temps, le pays doit traverser une période critique d’environ trente ans où la population active sera proportionnellement insuffisante pour maintenir le niveau actuel des retraites. C’est ce “trou démographique” qui inquiète économistes et politiques.
La nécessité d’un complément de retraite
Face à cette réalité, une conclusion s’impose : le système par répartition, s’il reste le socle de solidarité nationale, ne suffira plus à garantir à lui seul un niveau de vie correct pour tous les retraités.
Pour pallier ce manque, la mise en place et la généralisation d’un complément de retraite apparaît indispensable. Cela peut prendre plusieurs formes :
- L’épargne individuelle (assurance-vie, PER – Plan d’Épargne Retraite, immobilier locatif).
- Les dispositifs collectifs en entreprise (intéressement, participation, plans d’épargne salariale).
- Les mécanismes mutualisés à l’échelle des branches professionnelles ou des territoires.
L’objectif est double : diversifier les sources de revenus à la retraite et permettre aux générations futures de compenser la baisse attendue des pensions publiques.
Conclusion
Le modèle français de retraite par répartition reste un pilier de solidarité, mais il est aujourd’hui confronté à ses limites démographiques. Le retard des politiques natalistes, conjugué à l’allongement de l’espérance de vie, annonce une érosion progressive du niveau de vie des retraités pendant les trois prochaines décennies.
Le salut viendra sans doute d’une approche mixte : maintenir la répartition comme base, tout en développant des mécanismes complémentaires. Pour les actifs d’aujourd’hui, investir tôt et régulièrement dans un complément de retraite n’est plus un luxe : c’est une nécessité pour préserver demain une vie digne après le travail.