À l’ère des réseaux sociaux, des influenceurs « business » et des promesses de gains rapides, les arnaques financières explosent. Des milliers de personnes, parfois très instruites, se font piéger par des propositions qui auraient semblé absurdes si elles avaient pris le temps d’y réfléchir : crypto-monnaies miraculeuses, investissements garantissant « +30 % par mois », opportunités privées accessibles « seulement aujourd’hui », etc.
Un paradoxe troublant apparaît : ces mêmes personnes refusent souvent de faire confiance à des conseillers financiers régulés, formés et soumis à des obligations légales strictes de transparence et d’éthique.
Pourquoi ? Pourquoi des individus méfiants envers des experts certifiés peuvent-ils croire en des inconnus qui leur écrivent sur WhatsApp ou Instagram ?
La réponse se trouve dans la psychologie humaine, les biais cognitifs et les stratégies de manipulation utilisées par les escrocs.
Cet article a pour objectif de comprendre ce mécanisme pour mieux s’en protéger et protéger les autres.
1. Les arnaques parlent aux émotions. Les conseillers parlent à la raison.
Les escrocs ne cherchent pas à convaincre avec des chiffres, des rapports ou des analyses.
Ils jouent avec les émotions, notamment :
- la peur : « Votre compte sera désactivé si vous n’agissez pas immédiatement » ;
- l’urgence : « Offre valable uniquement aujourd’hui » ;
- la cupidité : « Doublez votre argent en 48 heures » ;
- la flatterie : « Vous avez été sélectionné spécialement ».
Les émotions court-circuitent le raisonnement. Quand le stress ou l’espoir dominent, le cerveau logique s’efface. Ce principe est bien connu en psychologie : un cerveau émotionnel activé empêche l’analyse rationnelle.
À l’inverse, un conseiller financier professionnel parle :
- de diversification,
- d’horizon d’investissement,
- de gestion des risques.
C’est moins excitant.
Ce n’est pas immédiat.
Cela ne promet pas de faire fortune en deux semaines.
Et, pour certaines personnes, ce manque d’émotion ressemble à un manque d’opportunité.
Ce qui est raisonnable paraît ennuyeux. Ce qui est excitant paraît attirant.
2. Les arnaques sont simples. La vraie finance est complexe.
Une arnaque se résume en une phrase :
« Tu mets 100 €, tu récupères 500 €. »
Une proposition sérieuse est plus nuancée :
« Rendement potentiel autour de 6 % par an, mais dépendant du marché. Nécessite un horizon d’au moins 5 ans. »
L’être humain préfère ce qui est simple et immédiat à ce qui est complexe et incertain.
Notre cerveau cherche naturellement des raccourcis. C’est l’un des biais cognitifs les plus connus : le biais de simplicité.
Un escroc sait qu’il doit simplifier au maximum. Un conseiller, lui, a l’obligation légale de ne pas mentir, de présenter les risques, et donc, de complexifier.
La simplicité trompe. La complexité protège.
3. La confiance ne naît pas du professionnalisme… mais du sentiment de proximité
On pourrait penser que plus un interlocuteur est compétent et certifié, plus il inspire confiance.
C’est faux.
La confiance naît davantage d’un sentiment de proximité que de l’expertise réelle.
Les escrocs l’ont compris. Ils utilisent :
- des messages personnalisés (« Salut ! J’ai pensé à toi ! »),
- de la communication informelle (WhatsApp, Instagram),
- des compliments (flatterie=ouverture émotionnelle).
Ils se font passer pour des « amis », alors que les conseillers financiers peuvent paraître :
- distants (bureau, rendez-vous, formalités),
- sérieux (documents réglementaires),
- institutionnels.
Les victimes de fraude ne tombent pas dans le piège parce qu’elles sont naïves, mais parce qu’on les met en situation d’implication émotionnelle et de confiance affective.
4. Les arnaques exploitent l’illusion d’une opportunité exclusive
Les escrocs créent un sentiment d’exclusivité :
« Cette opportunité n’est pas pour tout le monde.
Tu fais partie des rares personnes sélectionnées. »
Ce type de discours active un autre biais très puissant : le besoin de valorisation personnelle.
Un conseiller financier ne dira jamais cela. Il dira :
« Voici notre profil client. Nous allons vérifier votre solvabilité et votre tolérance au risque. »
Le premier fait sentir spécial.
Le second fait sentir évalué.
L’être humain préfère être flatté qu’analyser objectivement la situation.
5. Mauvaises expériences passées = méfiance généralisée
De nombreuses personnes ont déjà entendu ou vécu :
- des placements avec des frais cachés,
- des conseillers mal intentionnés,
- des banques qui vendent des produits sans transparence.
Cela crée un climat de défiance :
« Les conseillers gagnent de l’argent sur mon dos. »
Un escroc, lui, ne vous parlera jamais de frais, de contrats ou de documents à signer.
Les conseillers inspirent parfois méfiance par professionnalisme, parce qu’ils doivent demander des preuves d’identité, faire signer des documents, tracer les opérations.
Les escrocs inspirent confiance par absence de procédure.
6. Le biais de confirmation : croire ce qu’on veut croire
Quand quelqu’un rêve d’indépendance financière ou de revenus passifs rapides, il veut entendre :
« C’est possible, tu as juste à faire ceci. »
Un escroc renforce le fantasme.
Un conseiller financier l’ajuste à la réalité.
Le biais de confirmation pousse à rechercher et croire des informations qui confirment ce que l’on espère… et à ignorer le reste.
Comment faire confiance à un conseiller financier (sans être naïf) ?
Un bon conseiller financier :
- Est enregistré auprès d’un organisme officiel (en France : ORIAS / AMF),
Ne promet que très rarement des rendements, et lorsque c'est le cas ils sont justifiés et expliqués. (Fonds européens, obligations, produits structurés)
N'associera jamais les mots "rendement élevé" et "garanties"
- Cherche à comprendre vos objectifs avant de proposer quelque chose.
Posez ces 2 questions simples :
- Êtes-vous enregistré auprès d’une autorité ? Si oui, laquelle ?
- Comment êtes-vous rémunéré ?
S’il esquive : partez.
Un professionnel ne cache pas ces informations.
Les gens ne tombent pas dans les arnaques parce qu’ils sont stupides.
Ils tombent dedans parce que les arnaqueurs savent parfaitement manipuler les émotions humaines.
Les conseillers financiers inspirent parfois moins confiance parce qu’ils :
- Parlent de réalité plutôt que de rêve,
- Doivent respecter des obligations légales,
- Ne peuvent pas promettre l’impossible.
Les escrocs, eux, vendent de l’espoir emballé dans de la flatterie.
Le meilleur moyen de se protéger est de se rappeler :
Ce n’est pas parce que quelque chose fait du bien à croire… que c’est vrai.