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Revue éco de cette année 2025 : la France face aux nouveaux vents contraires

Croissance molle, dette record, inflation persistante et défis technologiques : le pays cherche son second souffle.
7 octobre 2025 par
Revue éco de cette année 2025 : la France face aux nouveaux vents contraires
Direction

1. Un climat économique mondial instable

En 2025, l’économie mondiale avance à petits pas. L’OCDE a revu à la baisse ses prévisions de croissance mondiale à 2,4 %, contre 2,8 % au début de l’année. Les tensions géopolitiques, les politiques commerciales protectionnistes et les incertitudes politiques freinent les échanges.

Les États-Unis maintiennent une politique économique musclée, mêlant relance industrielle et hausses de droits de douane, notamment sur les produits technologiques et automobiles européens. L’Europe, de son côté, peine à relancer sa compétitivité tout en gardant le cap sur la transition écologique.

Dans ce contexte, la France évolue dans une zone de turbulences. Ses moteurs traditionnels — consommation, services, tourisme — résistent, mais la dynamique industrielle reste fragile. L’économie tricolore subit les contrecoups d’un environnement international plus rude, tout en devant gérer ses propres déséquilibres internes.

2. Une croissance au ralenti : la France dans le “marais économique”

Selon les dernières projections de l’INSEE, la croissance française devrait plafonner à +0,6 % en 2025, après un timide +0,9 % en 2024.

Les ménages consomment moins, freinés par l’érosion du pouvoir d’achat, tandis que les entreprises investissent avec prudence. La demande extérieure, en particulier vers l’Allemagne et la Chine, ne joue plus son rôle d’amortisseur.

Les économistes parlent d’une « croissance molle », coincée entre la fin de la période d’inflation forte et le manque de nouveaux relais productifs. L’investissement public dans la transition énergétique, s’il est massif sur le papier, tarde à produire ses effets sur la croissance réelle.

L’un des enjeux majeurs reste la productivité, en baisse constante depuis la crise sanitaire. En France, la productivité horaire du travail a reculé de 1,7 % entre 2019 et 2024, alors qu’elle progressait auparavant de près de 1 % par an.

Cette stagnation s’explique par la diffusion lente du numérique dans les PME, la désindustrialisation partielle et la montée des emplois à faible valeur ajoutée dans les services.

3. L’ombre persistante de la dette publique

Le sujet de la dette revient au premier plan. À 115,6 % du PIB à la mi-2025, la dette publique française atteint un niveau record.

L’État a continué à dépenser massivement pendant les crises successives sanitaire, énergétique, sociale sans véritable consolidation depuis.

Or, la remontée des taux d’intérêt alourdit la charge financière : le coût du service de la dette pourrait dépasser 60 milliards d’euros en 2026, contre 38 milliards en 2021.

Cette situation met le gouvernement sous pression. Les discussions budgétaires de l’automne 2025 s’annoncent tendues : Bercy cherche à contenir le déficit sous les 5 % du PIB, tout en évitant de casser la reprise fragile.

Le dilemme est classique : réduire les dépenses sans freiner la croissance, ou accepter un endettement plus durable pour préserver la cohésion sociale.

L’enjeu politique est fort : la Commission européenne, avec la réactivation du Pacte de stabilité, exige un plan crédible de réduction du déficit à 3 % d’ici 2028. La France plaide pour un ajustement “progressif et réaliste”. Mais la crédibilité financière reste fragile.

4. L’inflation se tasse, mais les prix restent hauts

Après deux années de flambée, l’inflation se calme sans revenir à la normale. En septembre 2025, l’indice des prix à la consommation affiche +2,3 % sur un an, contre +5,2 % en 2023.

Cette désinflation s’explique par la baisse des coûts de l’énergie et le ralentissement de la demande. Mais les prix alimentaires et de certains services restent élevés : +4,1 % pour les produits frais et +3,5 % pour les loyers et services de proximité.

Résultat : les ménages gardent le réflexe d’épargne. Le taux d’épargne des Français dépasse 18 %, un niveau historiquement élevé.

Le moral des ménages, mesuré par l’INSEE, reste fragile, pénalisé par la perception d’une stagnation du pouvoir d’achat réel.

La Banque de France anticipe une inflation autour de 2 % en 2026, mais insiste sur les “risques de second tour” liés aux salaires et à l’énergie.

5. Commerce international et protectionnisme : l’Europe sous tension

Les tensions commerciales refont surface. Après la relance des tarifs douaniers américains sur les véhicules électriques et certains produits agricoles, l’Union européenne prépare une riposte modérée.

Pour la France, l’enjeu est double : protéger ses filières stratégiques (aéronautique, automobile, agroalimentaire) tout en évitant une guerre commerciale.

Les exportations françaises ont reculé de 1,8 % au premier semestre 2025, notamment vers l’Allemagne et la Chine.

Le commerce extérieur, déjà structurellement déficitaire, peine à se redresser malgré la bonne santé du luxe et de l’aéronautique. Le déficit commercial reste proche de 100 milliards d’euros sur 12 mois glissants.

Le “recentrage productif” voulu par le gouvernement dans le cadre du plan France 2030 vise à relocaliser certaines chaînes industrielles (batteries, semi-conducteurs, hydrogène).

Mais ces projets, souvent à long terme, ne suffisent pas encore à compenser la perte de parts de marché à court terme.

6. La productivité, talon d’Achille français

La France est l’un des pays développés où la productivité du travail progresse le moins depuis 2019.

Les économistes identifient plusieurs causes :

Sous-investissement numérique des PME ;

Rigidités du marché du travail ;

Vieillissement démographique ;

Et poids administratif élevé freinant l’innovation.

La productivité horaire est aujourd’hui inférieure de 3 % à son niveau pré-Covid, un écart inédit.

À long terme, cette tendance menace la compétitivité, les salaires et la soutenabilité des finances publiques.

Le gouvernement tente d’y remédier via des incitations à l’investissement dans l’IA, l’automatisation et la formation continue. Mais la transformation reste lente, et l’écart avec l’Allemagne ou les pays nordiques s’élargit.

7. Le rôle clé de la technologie et de l’intelligence artificielle

L’intelligence artificielle et la robotisation s’imposent désormais comme leviers centraux de compétitivité.

En France, les entreprises commencent à intégrer des solutions d’IA dans la logistique, la finance, la santé et l’industrie. Le marché national de l’IA pourrait atteindre 15 milliards d’euros d’ici 2027, selon France Stratégie.

Mais cette révolution pose deux défis :

Social, avec la transformation rapide de certains métiers ;

Économique, car la France dépend encore fortement des technologies américaines et asiatiques.

Le gouvernement a lancé un plan “IA et souveraineté numérique” doté de 8 milliards d’euros sur 5 ans, visant à renforcer la recherche publique et à soutenir les start-ups du secteur.

Cependant, la France reste loin des États-Unis, où l’investissement privé dans l’IA dépasse 250 milliards de dollars par an.

L’enjeu est clair : ne pas rater la révolution technologique, au risque d’un décrochage durable de la productivité.

8. Les ménages entre prudence et adaptation

Les Français restent prudents dans leurs dépenses. La hausse des prix, la stagnation des salaires réels et la montée des incertitudes politiques freinent la consommation.

Les dépenses en biens durables (voitures, électroménager, ameublement) ont reculé de 3 % sur un an, tandis que les dépenses en loisirs et tourisme repartent timidement.

Paradoxalement, le marché du travail reste robuste : le taux de chômage se maintient autour de 7,5 %, proche de son plus bas niveau depuis 15 ans.

Mais de nombreux emplois créés sont précaires ou à temps partiel. Le sentiment de déclassement social demeure.

Les comportements d’épargne évoluent aussi : le Livret A, dont le taux est revenu à 2,5 %, attire toujours, tandis que les placements en assurance-vie se redressent.

Les ménages privilégient la sécurité, mais commencent à s’intéresser davantage aux placements verts ou responsables.

9. La politique économique française : entre contraintes et ambitions

Le gouvernement tente de maintenir un cap de réformes tout en gérant la contrainte budgétaire.

Trois priorités se dégagent pour 2025-2026 :

Réduire la dette et le déficit, sans casser la croissance ;

Relancer l’investissement productif, notamment dans la transition énergétique ;

Soutenir les revenus des ménages modestes, via une réforme des prestations et un ciblage accru.

La loi de finances 2026 prévoit une baisse ciblée des dépenses publiques (notamment dans les aides aux entreprises jugées inefficaces) et une meilleure évaluation des politiques publiques.

Mais la marge de manœuvre reste étroite. La moindre erreur de pilotage pourrait compromettre les objectifs européens.

Sur le plan politique, l’instabilité actuelle complique la mise en œuvre. L’absence de majorité solide à l’Assemblée rend chaque réforme délicate.

Les marchés restent attentifs : une dérive budgétaire pourrait entraîner un écart de taux (“spread”) entre la France et l’Allemagne, déjà remonté à 70 points de base.

10. Le défi géopolitique et énergétique

Enfin, la France subit les répercussions des tensions géopolitiques mondiales.

Les conflits prolongés au Moyen-Orient et en Ukraine continuent de peser sur les prix de l’énergie et sur la confiance des entreprises.

Les importations d’énergie, malgré un repli des cours, représentent encore plus de 65 milliards d’euros par an.

La stratégie française repose sur une accélération du nucléaire (programme EPR2) et un soutien massif aux renouvelables.

Mais les retards de mise en œuvre freinent la baisse de la dépendance énergétique.

Le coût estimé de la transition énergétique d’ici 2035 dépasse 600 milliards d’euros, un défi colossal pour les finances publiques et privées.

la France à la croisée des chemins

L’économie française, en cet automne 2025, oscille entre résilience et stagnation.

Les fondamentaux restent solides emploi, innovation, épargne mais les déséquilibres se creusent : dette lourde, productivité faible, croissance bridée.

Le pays fait face à une équation complexe : comment relancer la compétitivité sans aggraver la fracture sociale ni compromettre la transition écologique ?

Trois leviers s’imposent pour la suite :

Réinvestir dans la productivité, en accélérant la transformation numérique et industrielle ;

Assainir les finances publiques de manière crédible mais progressive ;

Renforcer la cohésion sociale, afin que les transitions (écologique et technologique) soient acceptées.

En d’autres termes, 2025 est une année charnière : celle d’un nécessaire “nouveau modèle” économique, conciliant rigueur et ambition.

La France n’est pas en crise ouverte, mais à un moment d’équilibre fragile, où chaque décision comptera pour la décennie à venir.

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